dimanche 22 janvier 2012

@dem SeleKcheûne #23 – Wellborn










Go to Togo !
Dédié au Grand Vizir Iznogoud !
Lorsque je serai Ministre de la Culture à la place du Ministre de la Culture, j’introduirai une requête auprès de l’UNESCO afin qu’elle reconnaisse enfin l’héritage musical que nous à laissé l’Afrique de l’Ouest (A.O.) comme patrimoine impalpable, voire immatériel, de l’humanité !
Cette luxuriante partie de l’Afrique, regorgeant pour son bonheur/malheur d’énormes ressources fossiles et naturelles, subi dès le 19ème une colonisation anglaise et française qui eut pour meilleure conséquence l’importation d’une musique occidentale qui influença en profondeur l’approche musicale de ses musiciens.
Influence n’est peut-être pas le mot exact ; c’est plutôt de feedback qu’il faut parler ici puisque la musique occidentale populaire et en particulier l’afro-américaine puise dans des sources qui toutes convergent vers les rythmes et harmonies ancestraux africains. D’un certain point de vue on peut considérer les influences extérieures reçues par les musiciens de l’A.O durant les années 60/70  comme le juste retour au bercail de la relecture de leur propre culture par la diaspora africaine américaine, anglaise ou française. Une forme de syncrétisme qui se mordrait la queue. Pour prendre un exemple connu, Fela, l’inventeur désigné de l’afro-beat, ne voulait rien d’autre que ramener la force et la douce violence de James Brown en Afrique… à l’occase jetez une oreille sur la touchante et savoureuse interview de Patrice Van Eersel, journaliste français qui l’a bien connu http://www.repere.tv/?p=1036.
Dès lors les sérénades des déesses Highlife et autres Juju vont prendre des atours plus rauques et enragés et délaisser la robe nonchalante qu’elles adoptaient depuis le fin de la seconde guerre mondiale.
La crise d’identité générée par le retour à l’indépendance des années 60 associée à l’optimisme naïf de la liberté retrouvée (on ne parla pas tout de suite de néo-colonialisme) et à l’émergence des nouvelles techniques de studio importées de l’occident vont produire en A.O une fusion entre éléments musicaux locaux et étrangers particulièrement réussie, orchestrée par des musiciens éponges très habiles dans l’analyse et l’appropriation créatrice de modèles étrangers et animés par ce que d’aucuns qualifient d’esthétique du changement  qui semble propre aux musiciens de cette région et de cette période. Qu’importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse et en cela ils rejoignent la seule définition valable de tout praticien d’un médium artistique : L’artiste est celui qui met sur la table la bouteille à laquelle les autres n’ont pas encore goûté…
L’indépendance s’accompagne aussi d’un retour aux sources de par le rejet en bloc du colonisateur et de son héritage. Sur le plan international, c’est une fois de plus Fela qui incarnera au mieux cette tendance en utilisant la musique pour parler au peuple de la corruption néocoloniale et vilipender le gouvernement nigérian qu’il considère, non sans raison, comme le petit toutou de son maître anglais.
Beaucoup d’éminences se sont penchées sur l’étrange potion magique concoctée au Nigéria, Ghana et alentours par les grands sorciers du son mais peu semble encore avoir savouré celle douce-amère du hot-dog togolais qui partage pourtant des sauces communes avec ces pays.
Si la plupart des formations de l’A.O intègrent des éléments du Jazz et l’énergie vociférante d’un James Brown dans leur Highlife des 60’s, d’autres, plus rarement, tentent de frotter le Folk africain au Rock et au Psychédélisme occidental. Au Nigéria ce seront des expériences comme MonoMono, Blo, The Funkees, SJOB, Ofege ou The Hygrades (@dem #02). Au Ghana s’y colleront entre autres George Danquah et parfois Marijata (@dem #16). Au Togo c’est au musicien/producteur Wellborn Attivor (issu d’une famille de musiciens) et à ses complices que nous devons l’un des mix les plus équitables en termes de confrontation entre ressources intérieures et imports.
Ce qui différencie le son des groupes Afro Psych/Rock de celui du Highlife est notamment  la mise en avant des guitares, souvent saturées d’effets Fuzz. Le genre de son qui immanquablement  scotche ma glande pinéale au plafond !
Le cocktail parfait entre Afro roots et Psych/Rock est souvent plus facile à concevoir qu’à réaliser. Aussi l’un pèse souvent plus lourd dans la balance que l’autre. Le disque du guitariste multi-instrumentiste et producteur togolais fort doué Wellborn «We Gonna Do It»  est une rare et indéfectible fusion entre ces deux genres en apparence antagonistes. Il fut pressé en France en 1981. Impossible de savoir si c’est l’unique album de son cru…
Ce musicien semble être passé entre les mailles des fins limiers hagiographes de l’A.O et il est donc urgent et juste de lui offrir une place à notre table. Ses activités de producteur l’amèneront à mettre son talent au service des autres et en parfait Gainsbourg togolais, il lance des chanteuses comme Bibi (Bibi Anyankor) qui fera un carton en France avec «Tout Doucement». Il fait aussi office d’arrangeur et de guitariste pour plusieurs formations togolaises sans compter les tournées avec son propre groupe dans les hôtels du Bénin et du Ghana ou en Belgique en Angleterre et en France. Il a beaucoup de contacts avec des musiciens du Nigéria et du Ghana dont le claviériste nigérian Honey Ernest qu’il invite sur l’album. Pour être complet, notons que Bibi figure elle aussi sur l’album… Notre sorcier semble vivre aujourd’hui à Las Vegas !
L’extrait que nous allons écouter, Attivon, est l’exemple musical idéal de la plus scandaleuse fusion entre Occident 60’s et Afrique. Irrésistible et émouvant, il nous ramène à la source sur un tapis de claviers cosmiques intersidéraux. Autour pleurent guitares fuzz et chants traditionnels, complotent bidouilles électro et funk gras comme une fin de paquet de frites.
Comme encore trop de disques d’A.O, celui-ci ne semble exister qu’au format vinyle original…
Bon appétit si vous passez à table et…
@dem
Audio: http://soundcloud.com/ademselekcheune/adem23-wellborn-attivon-togo

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