samedi 28 avril 2012

@dem SeleKcheûne#31 – Comus


















Les anglais de Comus proposèrent à l’orée des inépuisables 70’s un album difficilement situable où se mêle délicat folk pastoral et rock gothisant sans qu’il soit possible de le réduire à l’un ou l’autre de ces genres tant la plainte amère de ces noces barbares laisse entendre quelque chose d’inouï à ce jour. Faute de mieux, leur musique peut être rangée dans la catégorie acid folk progressif expérimental païen avec une touche d’art rock cher à Canterbury (cf @dem#21) et pourrait être considérée comme la fille illégitime du Velvet Underground et de Pentangle.
Une musique insulaire et asilaire.
Sans doute la rencontre entre textes macabres clamés par des voix altérées d’outre-tombe et harmonies délicates pour flûtes, violons et guitares acoustiques n’est pas étrangère à la sensation de no man’s land musical que procure cet album déstabilisant à plus d’un titre.
Si l’on peut user une fois de plus de la figure linguistique qu’est l’oxymore, c’est incontestablement celui de « douce violence » qui qualifierait le mieux cette musique tour à tour angoissante et apaisante.
Ajoutons que la dichotomie, par une subtile mise en abîme, se ramifie au sein même des pôles textes/musique et se prolonge en un contraste où alternent voix rageuses et aériennes, folk champêtre et beats soutenus, pure beauté et insanités.
Une musique inconfortable, férocement païenne et ce n’est pas innocent si les membres de cet étrange corpus aient choisi Comus, dieu grec antique passablement imbibé des festoyades, de l’anarchie et du chaos, comme patronyme. Lors des réjouissances qui étaient consacrées à ce fils de Dionysos, hommes et femmes échangeaient leurs vêtements. D’aucuns y voient les premières manifestations du carnaval.
Le groupe se forma dès 1967 autour de la rencontre entre les guitaristes Roger Wootton et Glenn Goring qui suivaient les cours de l’académie de Bromley dans le Kent. Très vite ils jouent dans des clubs locaux comme l’Art Labs tenu par un certain David Bowie avec qui ils sympathisent et développent progressivement ce qui fera la spécificité de la musique de Comus tout en accueillant d’autres musiciens qui formeront la première mouture de cette formation. Bowie, fanatique inconditionnel de leur musique, leur demandera plus tard d’ouvrir les concerts de la tournée Space Oddity.
Leur premier album, First Utterance parut en 1971, n’eut pas le succès commercial escompté. En cause une combinaison de bonnes et mauvaises raisons mais le groupe poursuivit cependant l’aventure sous un line-up sensiblement différent et se sépare en 1974 suite à l’échec relatif de leur second album, To Keep From Crying. Ce n’est qu’en 2005 qu’ils se retrouvèrent pour une série de trois concerts lors du Melloboat Festival en Suède.
Si je puis me permettre une envolée mytologico/bucolique, imaginez le satyre Comus conter fleurette à une muse Euterpe quelque peu entamée et vous aurez un faible aperçu de ce qui vous attend !
The Herald, apartée d’une rare douceur parmi l’angoissant lyrisme de First Utterance, n’est certainement pas le morceau le plus représentatif de l’albôme mais c’est d’une telle beauté que je ne résiste pas à vous le communiquer en guise d’apéritif…
La musique de Comus est unique. Il n’existe pas d’exemples qui puissent soutenir la comparaison et ce n’est pas faute d’avoir cherché !
@dem 

lundi 16 avril 2012

@dem SeleKcheûne #30 – Sex In Dallas

  








  


  


 On ne parle plus guère de Sex In Dallas, trio parisien migré à Berlin et auteur d’un album, Around The War, dont l’intelligence musicale et le ton désabusé en font un disque insensible aux outrages du temps.
 C’est l’unique album d’une formation qui a très vite splitté pour se reformer trois ans plus tard, autour d’un seul membre original.
 Around The War, est l’exact contrepied de Around The World des Daft Punk, morceau hédoniste ahuri des 90’s, d’un optimisme béat et rassembleur duquel est totalement revenu Sex In Dallas. Précisons que sur le plan strictement musical leur album a plus à voir avec Kraftwerk, la Cold Wave et l’Electro Pop.
 Le propos de l’album tourne autour de la culture des clubs, de la vie des citadins trentenaires célibataires et désenchantés, des errances nocturnes, de l’obéissance à une vie décidée par d’autres mais dont on a peur de sortir et de la solitude. Il sonne juste car on sent que les musiciens, par ailleurs extrêmement doués sur le plan mélodique, ont vécu leurs textes et c’est sans doute la vie nocturne délicieusement Sex, Drugs and Electro de Berlin qui, au final, a eu raison de ce groupe…
 De cet album, sorti par Kitty-Yo en 2004 et entièrement réalisé dans la chambre d’un des trois membres, nous aurions pu sélectionner Berlin Rocks, Around The War, Everybody Deserves To Be Fucked, 5 O'Clock repris d’Aphrodite’s Child (premier groupe de Demis Roussos!) ou encore Crazy Dogs mais c’est certainement Clerk Work, portrait d’un employé bien paumé malgré les rails, qui résume le mieux les aspects festifs/désabusés de leur musique. De la réunion de ces deux contraires résulte la réussite de cet album, parfait oxymore de la génération 2.0.

lundi 2 avril 2012

@dem SeleKcheûne#29 - Die Antwoord


















Rrrrrot News!
Les choix éditoriaux de l’@dem SeleKcheûne répondent à deux impératifs fondamentaux :
1/ C’est bon.
2/ C’est pas bon.
Die Antwoord, trio Sud-Africain incluant  Ninja, Yo-Landi Vi$$er ainsi que DJ Hi-Tek, outre le fait qu’il répond indubitablement aux critères repris dans la première catégorie, possède une vertu qui rend leur musique immédiatement addictive : Nos papilles auditives n’ont jamais goûté semblable extrait de glande pinéale pure !
L’Afrique-Du-Sud (A-D-S), ancienne colonie hollandaise puis anglaise, doit son surnom de « nation arc-en-ciel » à la grande diversité de phénotypes et de patois (Afrikaans, Xhosa, Zulu, Watookal) qu’on y rencontre.
La conséquence la plus fâcheuse de cette diversité fut le règne de l’apartheid (1948-1991), théorisée et planifiée dès les 30’s par une partie de « l’élite intellectuelle » blanche (Max Eiselen) en réaction à une autre faction qui considérait tous les habitants de l’A-D-S comme faisant partie d’une société unique. Le moteur de l’apartheid est bien entendu la peur ; celle d’une minorité ethnique incapable de renoncer à son intégrité culturelle et raciale, de lâcher la rampe pour le grand mix créatif de la fusion des cultures. La discrimination raciale qui en résultera va séparer socialement, culturellement, linguistiquement et surtout géographiquement  les différentes ethnies composant le pays, allant jusqu’à imposer un passeport intérieur pour chacune d’elles ! Imaginez les francophones de Belgique devant demander un passeport pour traverser la frontière linguistique ou se rendre à la Vlaamse Kust et inversement les néerlandophones pour camper dans les Fagnes. Patience me direz-vous, le pire n’est jamais décevant…
Ce n’est que suite à l’isolement politique et économique du pays par la communauté internationale que les leaders noirs de l’opposition (ANC) seront libérés de prison où ils séjournaient pour « terrorisme » et que les premières élections seront organisées (le 27 Juin 1994). Nelson Mandela (lire son ahurissante auto-bio) sera élu premier président noir du pays. Comme quoi, terroristes d’aujourd’hui, leaders de demain !
A propos de Die Antwoord, les avis divergent et personne ne sait trop quoi en penser. Bien qu’issus de la Hip-hop family, il s’agit, ni plus ni moins, du rap du futur, une sauce électro/rave/gangsta relevée d’une pointe de crunk (contraction de crazy et de drunk), de dancehall et de bass music (Modeselektor fait ici figure de sage petit enfant de cœur).
Certes, les éléments acid/rave qui parsèment cet amer second album (et premier sur support physique) ne sont pas neufs rétorqueront les plus blasés et perspicaces lecteurs de l’@dem mais, à la décharge de Die Antwoord, d’une part ce style est toujours écouté à fond les ballons dans les taxis sud africains, ceux-là même qui, émergeant des brumes de carboglace matinales, vont ou reviennent à tombeaux ouverts des clubs locaux et d’autre part car ce n’est pas tant les ingrédients qui importent ici mais ce qu’ils en font.
La chanteuse, Yo-Landi Vi$$er, bi(t)chette blonde platine aux yeux trous noirs, balancent à tous vents des airs faussement innocents d’une voix qui n’est pas sans rappeler le timbre d’une Lio bien scotchée. En un mot la nouvelle reine de l’étoile noire. Les textes, salaces à souhait, sont borborygmés dans un mélange d’anglais et d’afrikaans avec un accent à couper à la tronço. Un peu comme si un maçon hollandais tentait de vous expliquer Nietzche en anglais. Ainsi, lorsque vous entendez Nou’s Jy Tuis In Paradijs, comprenez Now U Home In Paradise. Perso, j’kif grave le flow !
Ils qualifient leur style de Zef. Y copulent toutes les influences précitées, appuyé par un visuel arty freaky glauque à l’esthétique à la fois sombre et raffinée (http://www.youtube.com/watch?v=8Uee_mcxvrw) où sont convoqués David Lynch, Joel-Peter Witkin (http://www.edelmangallery.com/witkin.htm), voire Jeff Koons. Si vous êtes incapables de prendre leur musique au 57 ème degré, laissez tomber…
Amaï ! Die Fokken Antwoord Komin !
@dem