Les anglais de Comus proposèrent à l’orée
des inépuisables 70’s un album difficilement situable où se mêle délicat folk
pastoral et rock gothisant sans qu’il soit possible de le réduire à l’un
ou l’autre de ces genres tant la plainte amère de ces noces barbares laisse
entendre quelque chose d’inouï à ce jour. Faute de mieux, leur musique peut être rangée dans la catégorie acid folk
progressif expérimental païen avec une touche d’art rock cher à Canterbury (cf
@dem#21) et pourrait être considérée comme la fille illégitime du Velvet Underground
et de Pentangle.
Une musique insulaire et asilaire.
Sans doute la rencontre entre textes macabres
clamés par des voix altérées d’outre-tombe et harmonies délicates pour flûtes, violons
et guitares acoustiques n’est pas étrangère à la sensation
de no man’s land musical que procure cet album déstabilisant à plus d’un titre.
Si l’on peut user une fois de plus de la
figure linguistique qu’est l’oxymore, c’est incontestablement celui de « douce
violence » qui qualifierait le mieux cette musique tour à tour angoissante
et apaisante.
Ajoutons que la dichotomie, par une
subtile mise en abîme, se ramifie au sein même des pôles textes/musique et se
prolonge en un contraste où alternent voix rageuses et aériennes, folk
champêtre et beats soutenus, pure beauté et insanités.
Une musique inconfortable, férocement
païenne et ce n’est pas innocent si les membres de cet étrange corpus aient
choisi Comus, dieu grec antique passablement imbibé des festoyades, de l’anarchie
et du chaos, comme patronyme. Lors des réjouissances qui étaient consacrées à
ce fils de Dionysos, hommes et femmes échangeaient leurs vêtements. D’aucuns y
voient les premières manifestations du carnaval.
Le groupe se forma dès 1967 autour de la
rencontre entre les guitaristes Roger Wootton et Glenn Goring qui suivaient les
cours de l’académie de Bromley dans le Kent. Très vite ils jouent dans des
clubs locaux comme l’Art Labs tenu par un certain David Bowie avec qui ils
sympathisent et développent progressivement ce qui fera la spécificité de la
musique de Comus tout en accueillant d’autres musiciens qui formeront la première
mouture de cette formation. Bowie, fanatique inconditionnel de leur musique,
leur demandera plus tard d’ouvrir les concerts de la tournée Space Oddity.
Leur premier album, First Utterance parut
en 1971, n’eut pas le succès commercial escompté. En cause une combinaison de
bonnes et mauvaises raisons mais le groupe poursuivit cependant l’aventure sous
un line-up sensiblement différent et se sépare en 1974 suite à l’échec relatif
de leur second album, To Keep From Crying. Ce n’est qu’en 2005 qu’ils se
retrouvèrent pour une série de trois concerts lors du Melloboat Festival en
Suède.
Si je puis me permettre une envolée mytologico/bucolique,
imaginez le satyre Comus conter fleurette à une muse Euterpe quelque peu
entamée et vous aurez un faible aperçu de ce qui vous attend !
The Herald, apartée d’une rare douceur parmi l’angoissant lyrisme de First Utterance, n’est certainement pas le
morceau le plus représentatif de l’albôme mais c’est d’une telle beauté que je ne
résiste pas à vous le communiquer en guise d’apéritif…
La musique de Comus est unique. Il n’existe
pas d’exemples qui puissent soutenir la comparaison et ce n’est pas faute d’avoir
cherché !
@dem
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