lundi 3 décembre 2012

@dem SeleKcheûne #34 – Staff Carpenborg & The Electric Corona – Fantastic Party – 1969


















@dem Selekcheûne: Le Retouuuur!
Fantastic Party est l’un des rares disques dont il est très embarrassant de s’entretenir. Une sorte de mouton noir du psychédélisme ou plutôt un éléphant pourpre dans un magasin de narguilés, un cheveu dans l'eau du Bong. Surprenant comme pourrait l’être Johnny Rotten sur les genoux de Dalida. 
Mais c'est sans doute l'adjectif incongru qui serait en définitive le terme le plus approprié pour qualifier cet objet discoïdal venu de l’espace et parvenu jusqu’à nous par on ne sait quelle faille spatio temporelle.
Certes laissons le mystère au mystère, mais pour les amoureux des trous noirs à tiroirs, rangeons, faute de mieux, cette ahurissante chose dans celui dédié au Krautrock Psychédélique Expérimental Déviant.
Par quel prodige cette musique corrompue pour allumés sous acide, produite par un groupe qui n’existe pas, Staff Carpenborg & The Electric Corona, a-t-elle pu atterrir sur un label populaire allemand (Maritim) spécialisé dans la variété kitch à la James Last ? Total mystère !
Peu importe. Cette musique existe et c’est tant mieux. Il manquerait quelque chose si ce n’était le cas…
Bienvenue donc dans ce monde sauvage et libre où paissent les licornes chevauchées par de graves atteints bien chargés!
@dem 

vendredi 25 mai 2012

@dem SeleKcheûne #33 – Eden Rose

 
 Lamentablement affalé sur un transat incliné à 45°, sous un parasol genre «on est sous les tropiques et kesskonslapète les mecs», ma main gauche tripote une coupe de Martini Vodka sans olive et le parasol coupe mes jambes à un endroit où la chaleur se fait nettement ressentir. Je laisse mon regard effectuer un lent traveling latéral sur la viande huileuse et fumante en train de rôtir consciencieusement autour de la piscine tout en me laissant bercer par la complainte obsédée des générations de vagues qui viennent successivement lécher la plage quelque part derrière moi.
Wayfarer astucieusement perchée sur le nez, je décortique tout ce qui bouge - du moins tout ce qui bouge et possède au moins deux seins. Assise sobrement au bord de l’eau, une fille genre danseuse du ventre mais blonde, se rafraîchit distraitement les melons, assez costauds il faut bien le constater, tout en saluant un fantôme de la main. Je plisse les yeux afin de mieux voir mais un gros allemand s’arrête devant elle et son dos est trop rouge. Je déplie les jambes et tente de me redresser quelque peu mais c’est difficile car d’une part une de mes mains s’accroche à son Martini Vodka sans olive comme si c’était une question de vie ou de mort et d’autre part je suis un peu bourré ; donc je dois renoncer au spectacle et autorise mon regard à picorer de-ci de-là parmi les chairs brûlantes.
Boum ! 1,63m. 19 ans et demi. Peut-être un petit peu moins. Ou alors un peu plus ? 85D moulé dans un top en lycra noir à bretelles qui laisse l’œil du ventre contempler le monde. Pour le bas, boxer barbouillé de motifs roses, noirs et d’un jaune indéfinissable. Peau de rousse. Lèvres puissantes, charnues et très rouges laissant à intervalles régulières éclater la bulle d’un chewing-gum goût menthe. Dents de la chance. Parfois, très blanches, elles mordillent la lèvre inférieure. Les yeux sont dissimulés derrière de grandes lunettes fumées Chanel et je sens qu’ils sont très beaux, félins. De minuscules tâches de rousseur parsèment ses pommettes et taquinent le petit nez qui se trouve au milieu. Elle est allongée en plein soleil sur un transat qui, à la différence du mien, est totalement horizontal et pourvu de coussins bordeaux à boutons. Une jambe est pliée et l’autre laisse déborder le pied, qui ne doit pas dépasser le 36, du matelas. Au bout se balance une claquette rose fuchsia trop grande. Un petit chat tigré dort à l’ombre sous la jambe pliée. Sa chevelure châtain virant à l’auburn est cerclée d’un casque audio-technica blanc et je me demande ce qu’elle peut bien écouter comme genre de musique.
Mon verre est vide et je songe tout à fait sérieusement à retourner au bar le remplir. Je me redresse en deux temps et cette fois y arrive, motivé sans doute par la promesse désaltérante d’une nouvelle coupe de Martini Vodka bien glacée mais sans olive. Pourtant j’adore les olives... mais pas dans le Martini Vodka. Debout je manque de me fracasser sur un dos vautré dans le transat de gauche mais l’évite juste à temps. Je reste immobile un moment, le temps de retrouver l’équilibre et de laisser passer une chute de tension qui fait scintiller de petits flashs entre mes yeux et les Wayfarer qui ne quitte jamais mon nez ; même la nuit. Surtout la nuit. Je contourne la piscine et ne vois pas le beau brun plonger dans les fascinants ronds concentriques turquoise pour la bonne et simple raison qu’il n’a pas au moins deux seins. J’arrive à proximité du transat de la fille et observe mon ombre grignoter ses pieds, remonter le long des jambes comme une caresse, conquérir le ventre ferme et profond et s’arrêter sur son impitoyable 85D. Je remarque que le pelvis est anormalement saillant.
Je profite un moment du spectacle puis tousse un bon coup car elle ne m’a pas encore capté – ses yeux sont fermés, ni entendu à cause de la musique qui pulse à fond dans ses oreilles.
Elle sursaute et ouvre les yeux.
- Heu… Bonjour… excusez-moi de vous déranger mais…
Elle grimace, soulève ses lunettes d’une main et de l’autre repousse le casque et j’entends grésiller la musique.
- Pardon…?
- Excusez-moi de vous déranger. Je me demandais ce que vous écoutez comme musique.
Elle hausse les épaules.
- Oh c’est juste un vieux truc français complètement inconnu des années 70… vous ne connaissez sûrement pas.
J’ai un sourire en coin et un haussement de sourcils.
- Dites toujours…
Elle hésite, se penche et tripote l’adorable pré-exterius de son pied gauche. Le chat se barre.
- C’est Eden Rose. J’ai trouvé ça dans la collection de disques de mes parents.
- Ah oui Eden Rose sur le label Katema tenu par un vendeur d’électroménager si je ne m’abuse…
Toujours debout entre elle et le soleil, je place mes mains sur les hanches.
- Un seul album – On The Way To Eden, enregistré en Mars 70 rue Washington à Paris.
Elle redresse la tête et me regarde, plisse les yeux à cause du contre-jour et sa lèvre inférieure pendouille lamentablement, ne sachant pas trop quoi répondre. Je poursuis.
- … C’est pas mal. Assez intemporel comme musique… surtout le son. Une sorte de rock psyché instrumental légèrement prog assez bien foutu avec Henri Garella à l’orgue Hammond et Jean-Pierre Alarcen à la guitare - des musiciens de studio qui ont notamment joué pour Cloclo ou Jacques Dutronc et qui formeront plus tard le mythique Sandrose avec la chanteuse Rose Podwojny… Bon matos…
Elle est complètement paf, se tenant toujours le pré-exterius des deux mains.
- … eh ben, vous en savez des choses…
Un temps qui me semble une éternité.
- Puis-je vous offrir un verre ?
- Oui pourquoi pas… Je boirais bien un Martini Vodka... Elle sourit en dressant l’index… avec olive.
Au loin un pylône solitaire m’ouvre grand ses bras…

mercredi 9 mai 2012

@dem SeleKcheûne #32 - Ma Banlieue Flasque





Une main me massant la nuque, les jambes écartées, confortablement installé dans ce qui me semble être le parfait milieu du canapé terracotta du salon, je suis bien décidé à ne jamais m’en extraire si ce n’est pour aller me chercher une autre bière dans le frigo qui ronronne quelque part dans la cuisine. Je suis légèrement anxieux mais n’en laisse rien paraître. Le chat le sait et me fixe depuis un moment du buffet en pin ciré; du moins tant que je ne l’observe pas. Je palpe nonchalamment ma cuisse gauche et la douceur aérée du ventilo caresse ma joue droite. Ma bière est vide. Les persiennes d’osier filtrent ce qui ressemble à une jolie journée du mois de Mai et par la fenêtre entrebâillée, maintenant que le disque de Ma Banlieue Flasque, cet obscur groupe français Zappaesquo Canterbury Zeuhlien est terminé, j’entends la rumeur du peuple qui rentre à la maison. 

Il est 18h27. Je me redresse en deux temps et sans vraiment le vouloir, jette un œil au travers de la seule fenêtre non obstruée par les persiennes. Je poursuis d’un regard froid et concentré le dos d’une jeune femme à l’élégance recherchée, brune, chignon ébouriffé, 1,68m, jupe anthracite à pois gris clairs s’arrêtant juste sous le genou. Sa démarche ondoie autour de l’axe du corps, chevilles honnêtes soutenues par de fines sandales à lanières et à talons. Probablement 85C. Je ne discerne pas la couleur de ses yeux mais suis certain qu’ils sont clairs. Lorsqu’elle croise un mâle, elle incline le visage vers la droite et, bien perché derrière ma fenêtre à persiennes, je lis dans les yeux de l’homme combien elle est canon. Sans raison elle bifurque, quitte le trottoir et elle va traverser mais non, elle frôle un cabriolet et balance son sac cuir naturel sur le siège passager et sans prêter attention à la voiture qui arrive très vite à rebours d’elle, elle ouvre grand la portière et s’engouffre. Un homme est au volant mais je n’en suis pas certain car d’autres véhicules sont stationnés devant et le soleil scintille sur les pare-brises mais ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est que l’index et le majeur gauche à moitié posé sur le rebord intérieur de la fenêtre, je sois debout. Immobile mais debout. Je n’ai pas vu le cabriolet partir mais ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est être debout me dis-je. Désespérément debout. Après avoir laissé un moment mon regard fureté dans la pinède qui ponctue l’urbanité sauvage de ce quartier et zigzagué sur les fenêtres de l’immeuble jaunasse, typiquement années 50 qui lui fait face, je m’arrête sur une grande blonde à la peau blanche, coupe courte, tailleur abricot et ne puis m’empêcher de penser à ces animaux que l’on rencontre parfois dans certaines prairies. Genre experte comptable ou secrétaire secrétant je ne sais que trop quoi. Elle pointe du 40. Je sais que si je continue à l’épier, c’est parce qu’elle s’est assise sur la marche de l’entrée d’un immeuble pour avaler un sandwich et que cette attitude contraste avec sa dignité de femme professionnelle et parce qu’aussi, et surtout, c’est la promesse, de part mon impeccable position sur mon impeccable perchoir, d’une vue imprenable sur une intimité qui me répugne grave tout autant qu’elle me fascine. Elle semble le sentir et arrange de sa main libre, la droite, son falbalas qui de toute façon ne laissait rien apercevoir étant donné que ses jambes sont repliées du mauvais côté… du moins pour ce qui me concerne. Mais je sais que ce n’est qu’une question de temps. Je le sens. C’est oracle. Et après avoir plusieurs fois douloureusement plié son menton afin de vérifier si son blanc chemisier ne laissait pas trop déborder son cœur et son sandwich sa sauce, elle pivote un bon coup du bassin et m’offre l’espace d’une seconde ce qu’elle s’évertue à cacher au monde depuis qu’elle à compris qu’elle ne ressemblera jamais à ces photos glacées qu’on lui met sous les yeux depuis le premier éveil de sa conscience, c'est-à-dire fort récemment. C’est blanc, c’est triste, c’est caché et c’est tant mieux. Je la quitte un instant des yeux car est entrée dans mon champ oculaire une jolie soubrette polo blanc, pantalon bleu serré aux cuisses mais progressivement évasé à partir du milieu de celles-ci, non pat’ d’eph cependant…

Un bruit venant du fond de l’appartement détourne mon attention. Un bruit de grattement sourd et angoissé. Je me demande s’il est récent ou si je l’entends sans l’entendre depuis un moment. Avant d’aller me faire une idée plus précise de son origine, je plonge encore un regard dans la rue mais tout le monde à disparu. Le vent joue avec quelques vieux papiers et sacs en plastique. Je trouve curieux qu’en un si petit laps de temps la fille au sandwich ait pu se redresser, réajuster sa sacoche et marcher les 20 pas indispensables pour qu’elle disparaisse de ma vue. Au bout d’un instant je me dis qu’elle s’est peut-être engouffrée dans l’immeuble devant lequel elle était assise et face à la forte probabilité de cette hypothèse, me résigne à l’adopter. Cependant je ne puis m’empêcher de me demander si je l’ai bien vue, elle et toutes les autres. Un nouveau grattement, plus net cette fois, vient me sortir de ce grave questionnement et j’entends mon cœur battre un peu plus vite dans ma poitrine. 
Il est 18h43. Je me dirige vers la porte du salon et sans m’arrêter je remarque que le livre de Paul Diel est ouvert à revers sur le bord du canapé terracotta. Le chat, du haut du buffet, me toise toujours avec d’énormes yeux et comme, tout en marchant vers la porte, je soutiens son regard, il finit par le plisser hypocritement alors qu’un nouveau grattement se fait entendre. En passant le sas, je me souviens de ma bière vide et me dis que tout en allant me rendre compte de l’origine de cet insupportable son, je pourrais faire un détour par la cuisine et la remplacer.
- Quel sens pratique tout de même! Dis-je tout haut et je suis surpris par le timbre de ma voix. Cette voix n’est pas la mienne ai-je l’impression et après une brève hésitation je répète :
- Quel homme pratique tout de même! Un peu plus haut mais je ne la reconnais toujours pas et me dis que sans doute est-ce dû à l’écho du couloir et face à la forte probabilité de cette hypothèse, me résigne à l’adopter non sans me demander si j’avais déjà réellement entendu ma voix. Une fois passé le coin du couloir en L, se dessine tout au bout la porte entrouverte de la chambre de Léa et la lumière qui s’en dégage en contre-jour m’empêche de clairement distinguer ce qui s’y passe et à l’instant précis où je me frotte les yeux un nouveau grattement, plus long, se fait entendre et je sais qu’il vient de cette chambre. J’attends ce qui me semble 30 secondes, peut-être une minute et durant ce cout intervalle, uniquement le battement de mon cœur dans ma poitrine j’entends. Enfin je décide d’avancer en glissant doucement sur le frais granito moucheté et, arrivé à hauteur de la cuisine, hésite. Alternativement, je regarde la porte de la chambre puis celle de la cuisine, la porte de la cuisine puis celle de la chambre et me dis que je ferais mieux de sortir une bière du frigo et de laisser tomber tout ce bordel mais quelque chose me dit que c’est impossible. Je sais que je dois y aller. Je sens que je le dois malgré qu’il soit plus prudent de retourner dans le salon, de remettre l’aiguille sur l’unique album de Ma Banlieue Flasque et de m’enfoncer dans le canapé terracotta pour ne plus entendre ce son…
@dem


samedi 28 avril 2012

@dem SeleKcheûne#31 – Comus


















Les anglais de Comus proposèrent à l’orée des inépuisables 70’s un album difficilement situable où se mêle délicat folk pastoral et rock gothisant sans qu’il soit possible de le réduire à l’un ou l’autre de ces genres tant la plainte amère de ces noces barbares laisse entendre quelque chose d’inouï à ce jour. Faute de mieux, leur musique peut être rangée dans la catégorie acid folk progressif expérimental païen avec une touche d’art rock cher à Canterbury (cf @dem#21) et pourrait être considérée comme la fille illégitime du Velvet Underground et de Pentangle.
Une musique insulaire et asilaire.
Sans doute la rencontre entre textes macabres clamés par des voix altérées d’outre-tombe et harmonies délicates pour flûtes, violons et guitares acoustiques n’est pas étrangère à la sensation de no man’s land musical que procure cet album déstabilisant à plus d’un titre.
Si l’on peut user une fois de plus de la figure linguistique qu’est l’oxymore, c’est incontestablement celui de « douce violence » qui qualifierait le mieux cette musique tour à tour angoissante et apaisante.
Ajoutons que la dichotomie, par une subtile mise en abîme, se ramifie au sein même des pôles textes/musique et se prolonge en un contraste où alternent voix rageuses et aériennes, folk champêtre et beats soutenus, pure beauté et insanités.
Une musique inconfortable, férocement païenne et ce n’est pas innocent si les membres de cet étrange corpus aient choisi Comus, dieu grec antique passablement imbibé des festoyades, de l’anarchie et du chaos, comme patronyme. Lors des réjouissances qui étaient consacrées à ce fils de Dionysos, hommes et femmes échangeaient leurs vêtements. D’aucuns y voient les premières manifestations du carnaval.
Le groupe se forma dès 1967 autour de la rencontre entre les guitaristes Roger Wootton et Glenn Goring qui suivaient les cours de l’académie de Bromley dans le Kent. Très vite ils jouent dans des clubs locaux comme l’Art Labs tenu par un certain David Bowie avec qui ils sympathisent et développent progressivement ce qui fera la spécificité de la musique de Comus tout en accueillant d’autres musiciens qui formeront la première mouture de cette formation. Bowie, fanatique inconditionnel de leur musique, leur demandera plus tard d’ouvrir les concerts de la tournée Space Oddity.
Leur premier album, First Utterance parut en 1971, n’eut pas le succès commercial escompté. En cause une combinaison de bonnes et mauvaises raisons mais le groupe poursuivit cependant l’aventure sous un line-up sensiblement différent et se sépare en 1974 suite à l’échec relatif de leur second album, To Keep From Crying. Ce n’est qu’en 2005 qu’ils se retrouvèrent pour une série de trois concerts lors du Melloboat Festival en Suède.
Si je puis me permettre une envolée mytologico/bucolique, imaginez le satyre Comus conter fleurette à une muse Euterpe quelque peu entamée et vous aurez un faible aperçu de ce qui vous attend !
The Herald, apartée d’une rare douceur parmi l’angoissant lyrisme de First Utterance, n’est certainement pas le morceau le plus représentatif de l’albôme mais c’est d’une telle beauté que je ne résiste pas à vous le communiquer en guise d’apéritif…
La musique de Comus est unique. Il n’existe pas d’exemples qui puissent soutenir la comparaison et ce n’est pas faute d’avoir cherché !
@dem 

lundi 16 avril 2012

@dem SeleKcheûne #30 – Sex In Dallas

  








  


  


 On ne parle plus guère de Sex In Dallas, trio parisien migré à Berlin et auteur d’un album, Around The War, dont l’intelligence musicale et le ton désabusé en font un disque insensible aux outrages du temps.
 C’est l’unique album d’une formation qui a très vite splitté pour se reformer trois ans plus tard, autour d’un seul membre original.
 Around The War, est l’exact contrepied de Around The World des Daft Punk, morceau hédoniste ahuri des 90’s, d’un optimisme béat et rassembleur duquel est totalement revenu Sex In Dallas. Précisons que sur le plan strictement musical leur album a plus à voir avec Kraftwerk, la Cold Wave et l’Electro Pop.
 Le propos de l’album tourne autour de la culture des clubs, de la vie des citadins trentenaires célibataires et désenchantés, des errances nocturnes, de l’obéissance à une vie décidée par d’autres mais dont on a peur de sortir et de la solitude. Il sonne juste car on sent que les musiciens, par ailleurs extrêmement doués sur le plan mélodique, ont vécu leurs textes et c’est sans doute la vie nocturne délicieusement Sex, Drugs and Electro de Berlin qui, au final, a eu raison de ce groupe…
 De cet album, sorti par Kitty-Yo en 2004 et entièrement réalisé dans la chambre d’un des trois membres, nous aurions pu sélectionner Berlin Rocks, Around The War, Everybody Deserves To Be Fucked, 5 O'Clock repris d’Aphrodite’s Child (premier groupe de Demis Roussos!) ou encore Crazy Dogs mais c’est certainement Clerk Work, portrait d’un employé bien paumé malgré les rails, qui résume le mieux les aspects festifs/désabusés de leur musique. De la réunion de ces deux contraires résulte la réussite de cet album, parfait oxymore de la génération 2.0.

lundi 2 avril 2012

@dem SeleKcheûne#29 - Die Antwoord


















Rrrrrot News!
Les choix éditoriaux de l’@dem SeleKcheûne répondent à deux impératifs fondamentaux :
1/ C’est bon.
2/ C’est pas bon.
Die Antwoord, trio Sud-Africain incluant  Ninja, Yo-Landi Vi$$er ainsi que DJ Hi-Tek, outre le fait qu’il répond indubitablement aux critères repris dans la première catégorie, possède une vertu qui rend leur musique immédiatement addictive : Nos papilles auditives n’ont jamais goûté semblable extrait de glande pinéale pure !
L’Afrique-Du-Sud (A-D-S), ancienne colonie hollandaise puis anglaise, doit son surnom de « nation arc-en-ciel » à la grande diversité de phénotypes et de patois (Afrikaans, Xhosa, Zulu, Watookal) qu’on y rencontre.
La conséquence la plus fâcheuse de cette diversité fut le règne de l’apartheid (1948-1991), théorisée et planifiée dès les 30’s par une partie de « l’élite intellectuelle » blanche (Max Eiselen) en réaction à une autre faction qui considérait tous les habitants de l’A-D-S comme faisant partie d’une société unique. Le moteur de l’apartheid est bien entendu la peur ; celle d’une minorité ethnique incapable de renoncer à son intégrité culturelle et raciale, de lâcher la rampe pour le grand mix créatif de la fusion des cultures. La discrimination raciale qui en résultera va séparer socialement, culturellement, linguistiquement et surtout géographiquement  les différentes ethnies composant le pays, allant jusqu’à imposer un passeport intérieur pour chacune d’elles ! Imaginez les francophones de Belgique devant demander un passeport pour traverser la frontière linguistique ou se rendre à la Vlaamse Kust et inversement les néerlandophones pour camper dans les Fagnes. Patience me direz-vous, le pire n’est jamais décevant…
Ce n’est que suite à l’isolement politique et économique du pays par la communauté internationale que les leaders noirs de l’opposition (ANC) seront libérés de prison où ils séjournaient pour « terrorisme » et que les premières élections seront organisées (le 27 Juin 1994). Nelson Mandela (lire son ahurissante auto-bio) sera élu premier président noir du pays. Comme quoi, terroristes d’aujourd’hui, leaders de demain !
A propos de Die Antwoord, les avis divergent et personne ne sait trop quoi en penser. Bien qu’issus de la Hip-hop family, il s’agit, ni plus ni moins, du rap du futur, une sauce électro/rave/gangsta relevée d’une pointe de crunk (contraction de crazy et de drunk), de dancehall et de bass music (Modeselektor fait ici figure de sage petit enfant de cœur).
Certes, les éléments acid/rave qui parsèment cet amer second album (et premier sur support physique) ne sont pas neufs rétorqueront les plus blasés et perspicaces lecteurs de l’@dem mais, à la décharge de Die Antwoord, d’une part ce style est toujours écouté à fond les ballons dans les taxis sud africains, ceux-là même qui, émergeant des brumes de carboglace matinales, vont ou reviennent à tombeaux ouverts des clubs locaux et d’autre part car ce n’est pas tant les ingrédients qui importent ici mais ce qu’ils en font.
La chanteuse, Yo-Landi Vi$$er, bi(t)chette blonde platine aux yeux trous noirs, balancent à tous vents des airs faussement innocents d’une voix qui n’est pas sans rappeler le timbre d’une Lio bien scotchée. En un mot la nouvelle reine de l’étoile noire. Les textes, salaces à souhait, sont borborygmés dans un mélange d’anglais et d’afrikaans avec un accent à couper à la tronço. Un peu comme si un maçon hollandais tentait de vous expliquer Nietzche en anglais. Ainsi, lorsque vous entendez Nou’s Jy Tuis In Paradijs, comprenez Now U Home In Paradise. Perso, j’kif grave le flow !
Ils qualifient leur style de Zef. Y copulent toutes les influences précitées, appuyé par un visuel arty freaky glauque à l’esthétique à la fois sombre et raffinée (http://www.youtube.com/watch?v=8Uee_mcxvrw) où sont convoqués David Lynch, Joel-Peter Witkin (http://www.edelmangallery.com/witkin.htm), voire Jeff Koons. Si vous êtes incapables de prendre leur musique au 57 ème degré, laissez tomber…
Amaï ! Die Fokken Antwoord Komin !
@dem

mardi 27 mars 2012

@dem SeleKcheûne#28 - Bongwater












 Par ce beau matin printanier, parlons d’un album oublié, The Power Of Pussy, du regretté duo américain Néo Psychédélique Bongwater. Notons que le qualificatif Néo Psych, utilisé dès la fin des 70’s, l'est encore aujourd’hui, notamment pour des ahuris du style MGMT, au point où il est légitime de se demander où et quand cette blague va-t-elle cesser.
 Mais avant de se pencher sur l’inimitable cocktail musical de cette formation ma foi fort bien formée, nous allons tenter ensemble de répondre à une question cruciale pour le funeste avenir de l’humanité : Faut-il, oui ou non, boire l’eau du Bong?
 Certains érudits estiment que c’est à la Chine que nous devons cette fumeuse invention, à maints égards aussi capitale que celle de la roue pour la vélocité mentale qu’elle procure, mais c’est bien de l’Afrique, berceau de tout ce qui fait quelque peu sens en cette pathétique existence, que nous vient ses premiers embruns, et ce au minimum 1600 années avant notre ère. La recherche du plaisir, motivation essentielle s’il en est, fait en général appel à ce que l’humain à de meilleur en lui, ou, s’il on préfère, à ce que d’aucuns considèrent comme le génie qui lui est propre. Sont ici convoqués et détournés pression atmosphérique, origine de l’univers et chimie du cerveau afin de recréer le Big-bang primordial à des fins purement hédonistes, voire, plus simplement, afin de tenter de se soustraire aux aspects les plus absurdes de notre pitoyable existence.
 En effet, qui d’entre nous n’a pas ressenti cette absurdité face à la mort d’un proche ou plus simplement à la simple contemplation de ce que nous faisons de notre existence ?
 Un Bong efficace est composé d’un récipient, généralement en verre ou en métal, étanche à l’eau qu’il contient jusqu’à moitié de sa contenance. Y sont perforés trois ouvertures où s’enfonceront, pour la première, un tube dont une extrémité plongera sous l’eau et ou l’autre servira de réceptacle à la substance consumable (ou foyer), pour la seconde un autre qui restera au dessus de la surface de l’eau et dont l’autre extrémité recevra les lèvres aspiratrices (ou dépresseur). La troisième ouverture sera une simple perforation apposée entre l’eau et le dépresseur, appelée carburateur, et bouché par un doigt qui, une fois soustrait, servira à évacuer la fumée emmagasinée dans le récipient pour rejoindre directement nos précieuses bronchioles, elles-mêmes intercesseurs entre le mélange air/fumée et nos piteux neurones.
 Donc, si nous avons bien tout lu Freud, l’eau filtre le passage de la fumée mais aussi, retient en elle certains de ses composants cancérigènes, euphémisme si l’on considère que la vie elle-même nous ronge dès la tragédie de la naissance. Le génie humain, lorsqu’il s’agit de construire/détruire, étant sans limite, certains QI particulièrement élevés, ont eu l’impeccable inspiration de remplacer l’eau par de la bière, voire par de l’alcool. Si l’eau retient au passage certaines propriétés corruptrices de notre divine santé, elle laisse passer, pour prendre un exemple au hasard, le THC ou delta-9-tétrahydrocannabinol contenu dans le cannabis. C’est précisément l’inverse qui se produit lorsque l’alcool remplace l’eau. Alors faut-il boire l’eau du Bong ? Certes non. Faut-il boire l’alcool du Bong ? Certes oui si c’est un autre qui l’a fumé…
 Passons maintenant à des choses moins sérieuses.
 Bongwater est le mariage plus que probable entre le fils de Mickey Rourke et de Michael Hutchence - Mark Kramer - auteur de la musique et accessoirement boss du mythique label Shimmy Disc et d’une totale bombe sexuelle à l’aplomb déconcertant et revigorant, Ann Magnuson, auteure de paroles qui, durant les 90’s, diminuèrent de moitié le suicide masculin en occident… rien de moins.
 En effet, si nos nanas faisaient un peu moins les mijaurées en quête de pseudo respect et qu’elles nous donnait ce dont nous avons besoin, à savoir ce dont tout homme est en droit de prétendre - un peu de plaisir dans cet océan de boue - et bien, pour prendre un exemple récent, Joel Dever, le multi-instrumentiste de Battant, éperdument amoureux de sa pimbêche et par trop égocentrée chanteuse, n’en serait sans doute pas venu à l’extrémité que nous connaissons (http://www.lexpress.fr/culture/musique/joel-dever-de-battant-est-mort_1032181.html). Sans doute Mohamed Merah non plus…
 Allons les filles, est-ce vraiment si grave de vouloir vous acculer dans tous les coins ? Non seulement vous avez l’avenir de l’humanité entre les jambes mais aussi son bonheur partout ailleurs. Songez-y !
 Pour vous faire une idée du talent de persuasion de notre couple paradigmatique, sachez qu’ils réussirent à débaucher le trop cérébral Fred Frith pour l’embarquer dans leur univers psychedelico/expérimental salace fait de collages cacophoniques et d’hédonisme abstrait où se côtoient invitation à une luxure salvatrice et sexualité surréaliste dans son sens premier qui est de coller au réel de la manière la plus concrète qui soit. Et puis ces monologues chantés/parlés à l’intonation incroyable, juste parfaits, descendus tout droit de l’Olympe… Comment résister au pouvoir de la chatte?
 Heureusement les mecs… Existe Bongwater, ou plutôt existait. Leur aventure prit fin en 1992 après 4 albums à découvrir d’urgence et à boire jusqu'à plus soif!.
 Qu’on se le dise !
See also: http://www.youtube.com/watch?v=q559R0DFXz4&oref=http%3A%2F%2Fwww.google.be%2Furl%3Fsa%3Dt%26rct%3Dj%26q%3Dbongwater%26source%3Dweb%26cd%3D13%26ved%3D0CDwQFjACOAo%26url%3Dhttp%253A%252F%252Fwww.youtube.com%252Fwatch%253Fv%253Dq559R0DFXz4%26ei%3DUdJwT6PPKsWdOujo3ekF%26usg%3DAFQjCNEgQQ_giMRyR-RZqT4AaLNyVgXTFA%26cad%3Drja

mercredi 21 mars 2012

@dem SeleKcheûne #27 – Feng-Hao

 
 Une fois n’est pas coutume aussi @dem SeleKcheûne laisse la plume à un entretien dont la rare pertinence nous a paru digne d’intérêt. Certes il s’agit d’art plastique mais le contenu du propos peut tout aussi bien s’appliquer aux musiciens, rejoignant ainsi les aspects fédérateurs de la Médiologie chère à Régis Debray. Susceptibles s’abstenir !

Gençives Acné
« Plastiquons les arts plastiques.»
Propos recueillis par C. Lorent  
C'est sur les cadavres encore fumants du corrompu René Magritte, de l'hypocrite Paul Nougé, du naïf Che Guevara, du peu inspiré Edward Hopper, du courageux Mohamed Khider et de la très bandante Jane Mansfield que vit le jour l'improbable Gençives Acné, à l'instar de l’ahuri Gauthier Hubert, de l'inconsistant mais bien coiffé Messieurs Delmotte, de la frigide Amélie Nothomb et de la pauvre petite fille Nicole Kidman.
Dès l'âge de déraison, exécrant les vieux, méprisant les jeunes, il jeta le dévolu de sa très sainte colère non à la droite, ni à la gauche mais bien sur le milieu de l'art, s'appliquant d'abord à terroriser très méticuleusement la myriade de pétasses (ar)historiennes, petites filles à leurs Pôpas, qui trouvent tellement tendance de s'occuper des artristes alors qu'elles ne sont même pas foutues de les sucer convenablement! "Sachez, dit-il, qu'un artiste, un vrai, a bien plus besoin de vous peloter les miches que de vous entendre débiter des inepties du style: "Les œuvres de Gençives Acné se donnent à voir…" ou "Les œuvres de Gençives Acné sont l'amorce originale d'une verbalisation des images, c'est à dire une lecture qui n'est pas lue, une parole qui est lecture non encore prononcée et projetée sur la pensée écran par la puissance du désir latent non encore sublimé… Je continue?"
Ce fut ensuite au tour des galeristes, ces "épiciers de l'art", plus intéressés par le carnet d'adresses de leurs "plastichiants" que par leurs propos, se réfugiant, avec leur médiocrité, derrière leur dérisoire pouvoir et qui, avec les collectionneurs en mal de garanties sur le sérieux de leurs investissements, sont incapables de penser par eux-mêmes et de discerner la perle qui se dissimule dans la boue. "Artristes content pour rien du monde entier, explique-t-il, faites donc grève un an et vous verrez la tête que feront les marchands qui, croyez le bien, vendraient des patates s'ils ne vendaient pas vos tâtonnements vers l'être". Mais l'immarcescible Gençives Acné doute que cela se produise. "Il y a belle lurette que les artristes donnent la papatte en échange du sucre que leur tend leurs maîtres, lamentables agents du Capital, peintres peintres barbouillés d'esthétisme ils ressemblent à leurs croûtes et à ceux qui les achètent: lisses, surtout pas de vagues (mais du flou) de peur d'être exclus de la visibilité. Inénarrables empaffés: c'est dans l'ombre, patiemment et dans le plus grand secret que l'on prépare son forfait. Si l'art n'est pas un moyen de réveiller les gens, il est juste "beau" et s'il existe une notion aussi périssable, sujette à caution et à bâillements c'est bien l'esthétique et son indéfectible corolaire: l'onanisme."
Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, le furieux Gençives Acné exerça son verbe de feu à l'encontre "…des commissaires en chef de la flicaille artistique et autres curateurs de nez qui, non content de se proclamer "méta-artistes", considèrent ceux-ci comme des accessoires alors que ce ne sont que de minables fonctionnaires licenciés en histoire ou communication, gratteurs de champagne et habités par la sourde angoisse de louper le nouveau Van Gogh. Mesdames et Messieurs vous êtes déjà mille fois oubliés!"
Vous l'aurez compris, l'excellent Gençives Acné n'a pas pour ambition de faire carrière et, bon sang!, on avait presque oublié que cela fut possible: "Sûr, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre et cela tombe bien: je ne désire pas enculer les mouches!"
"L'art, cela commence quand on a plus faim et que l'on a Soif. L'art cela commence lorsqu'on s'ennuie et l'ennui est le début de l'imagination…"
Et de préciser "…Les productions que vous trouverez ici sont toutes le fruit de l'ennui. Par ennui, il faut comprendre l'intervalle de temps entre deux moments excitants comme se lever tard, préparer du magret de canard aux poires, élever son niveau de conscience, boire un Orval, écouter Pharoah Sanders, expérimenter la nature féminine et masculine. Donnez le choix à n'importe quel artriste entre faire de l'art et faire l'amour, que va-t-il choisir? Démago? Alors observez bien les cultureux déambulant dans une expo (même une bonne) lorsqu'une totale Pin-up pénètre dans la salle…" Convaincus..? Non?
" …Tu en a marre que l'on pense ta vie à ta place, des philosophes qui nous gonflent les couilles d'évidences et qui érigent leurs carences en systèmes, du respect, des bourgeoises qui s'extasient devant des ronds de couleurs rouges et bleus et qui crient au génie, des suceurs de bites qui avaleraient pour accrocher leur eczéma aux cimaises des galeries, des consensus, des critiques d'art qui n'ont rien compris à l'art et qui ont oublié d'être critique (si tant est qu'ils aient jamais su ce que c'est), des hypocrites, des dévoreurs de cadavres, de creuser ta propre tombe que rebouchera ton employeur, des marchands voraces souilleurs du Temple, des banquiers de l'Esprit, des banalisateurs, des "si c'est pas moi c'est un autre", du sympathiquement correct, des caméras de surveillance, des héros du travail, des frustrés du pouvoir, du neuro-marketing, des conventions, de la conspiration immobilière, des scientifiques au service du fric et non du bien-être, de l'urbanisme au service des bagnoles, des promoteurs et de la pub?
Tu désires désobéir à toi-même, rendre l'esprit à l'esprit et la femme à la femme, mourir content, développer tes spécificités en toute quiétude et sans pressions, balancer ta télé par la fenêtre (en souhaitant qu'elle fracasse le crâne d'un ingénieur commercial), sucrer des fraises, filer la diarrhée aux manipulateurs de tous poils? Alors rejoins immédiatement l' Impeccable Désagréable et ses enragé(e)s, méprisant(e)s, cruel(le)s et effronté(e)s démolisseu(se)rs d'entreprises.
Qu'on se le dise...
Audio: http://soundcloud.com/ademselekcheune/dem-27-feng-hao-pleasure-2005